Lorsque tout est Fini...

Georges Millandy

Souvenirs d'un chansonnier du Quartier Latin.

PARIS

ALBERT MESSEIN, EDITEUR

19, Quai Saint-Michel, 19 1933

Préface de GUSTAVE FRÉJAVILLE

 

TABLE DES MATIERES

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PRÉFACE

MÉMOIRES D'UN PARESSEUX


MÉMOIRES D'UNTOURLOUROU.


MÉMOIRES D'UN DU BOUL' MICHE

 

MÉMOIRES D'UN CABOTIN

 

MÉMOIRES D'UN DU CAF'CONC'

 

MÉMOIRES D'UN MALCHANCEUX

 

MÉMOIRES D'UN R. A. T.

 

MÉMOIRES D'UN "FAIRE-VALOIR"

 

LE QUARTIER LATIN HIER ET AUJOURD'HUI.

 

Lorsque tout est fini...

 

 

MÉMOIRES D'UN CABOTIN

 

I.
Le Cabaret des Noctambules en 1894

 

Les chansonniers du Procope ne songeaient pas encore a abandonner le Quartier Latin lorsque Martial Boyer, qui était alors un tout jeune homme, vint me trouver rue de l'Ancienne-Comedie.

L'avisé garçon s'était aperçu qu'au Quartier la Chanson ne nourrissait ni les chansonniers, ni les cabaretiers, et it avait son idée.

- Vous etes perdus dans cette rue, me dit-il, le Procope est trop éloigné du Boul' Miche; et puis, la maison est trop vieille... Que ne venez-vous chez moi? Une salle est à ma disposition a deux pas du boulevard, rue Champollion. Je veux y installer un vrai cabaret sur le modèle de ceux de Montmartre. Voulez-vous m'y aider? Je ne vous couvrirai pas d'or, mais vous gagnerez, rue Champollion,

plus d'argent qu'on ne vous en donne ici ou, si je suis bien informé, vous chantez pour la gloire ! Au reste, vos amis Xavier Privas et Marcel Legay m'ont déjà promis leur concours.La rue Champollion était a cette époque une ruelle mal famée et malodorante qu'éclairaient à peine, le soir, les lumignons discrets de discrètes brasseries de femmes. La salle dont M. Boyer voulait faire un cabaret artistique était elle-m?rne une ancienne brasserie. Je demandai à réflechir... Quitter la " vieille maison" où tant d'écrivains célèbres étaieut passés, et où j'avais trouvé un si cordial accueil, n'était-ce pas faire une vilaine action?... Pourtant le désir de me trouver en compagnie de Legay et de Privas I'emporta sur mes scrupules. J'acceptai. d'aller chanter aux Noctambules; mais je ne pus décider mes camarades à me suivre. Le Cabaret des Noctambules "le seul resté dans la tradition", assura longtemps le programme, s'est transformé, comme tous les cabarets montmartrois, en un véritable petit thé?tre. Pendant de nombreuses années, on y a monté, avec l'aide d'artistes réputés, des revues somptueuses et qui étaient signées... Martial Boyer. A l'époque oh j'y chantais, un simple tréteau fiché contre le mur, au milieu de la salle, tenait lieu a-la fois, de scène et de décor, et ce brave Martial ne songeait pas encore. à jouer au revuiste. Cependant le succès était venu. Le patron dut faire appel a d'autres camarades. Justement, Salis venait de mourir et le Chat Noir avait fermé ses portes. Ce fut alors la descente en masse au Quartier Latin qui avait été le berceau de la chanson montmartroise : le retour sur la rive gauche des enfants prodigues - prodigues de leur talent et de leur esprit! Un dessin de Barrère, paru dans Procope en, février 1897, illustrait, si j'ose dire, l'évenement. Il était accompagné d'un article de Théo Bellefonds où, après avoir adresse un touchant adieu a son vieil ami et cher confrère, le malicieux bonhomme faisait remarquer que le gentilhomme-cabaretier "ne pouvait titre consideré comme l'inventeur du genre...

"Nous sommes encore beaucoup, écrivait-il, à nous souvenir du célèbre cabaret de Genin, le mari de Nina Lassave, la maitresse de Fieschi, ce cabaret dont les murs étaient recouverts des œuvres de Leopoid Flameng, de Charles Jacques et d'artistes de moins de talent, et que frequentaient Pierre Dupont, Courbet, Glatigny, Berrillot, Savinien Lapointe, enfin toute la pieiade des jeunes Poètes d'alors.

Ce cabaret fumeux et noir n'était certainement en rien comparable au luxueux Chat Noir, mais on y chantait, faisait de la musique et dissertait sur fart, non sans esprit.

Tous les chansonniers de Montmartre devaient tour à tour passer aux Noctambules. Martial Boyer était en effet, en ce temps-là, la Providence des Montmartrois. J'ai plaisir à noter ici, qu'il a continué des années durant, à les aider de son mieux. Non seulement Boyer a accueilli chez lui les jeunes; mais - œuvre plus méritoire! - il a recueilli les vieux : ceux qui avaient vu se fermer devant eux les portes des nouveaux cabarets. Au temps ou j'opérais moi-m?me, aux Noctambules, on y pouvait entendre, en m?me temps que Xavier Privas et Marcel Legay, nombre de chan-sonniers deja justement réputés : Paul Delmet, Gabriel Montoya, Georges Tierey, Numa Blès, Dollinet, Théodore Botrel, Gaston Perducet, Jehan Rictus, Eugène Lemercier, Edmond Teulet, Charles Fallot et André Barde, aujourd'hui l'un de nos meilleurs librettistes, qui chantait on disait, avec cet accent mordant qui fait le succès de Dorin, de petits poèmes rosses, mais qui ne prétendaient point de nous faire la leçon : La Charcutière, Le Snob, Le Mufle L'Employé des Postes, etc.

C'était le temps des chansonniers à voix : Legay tonitruait, Botrel barytonnait, Montoya ténorisait, Delmet susurrait, Teulet roucoulait et Tiecy, dans son opéra maboul, chantait a la fois, les bary- tons, les basses, les soprani et les tesoprani et les té nors !

Quel succès remportait Marcel Legay quand it interprétait la No?l d'Alsace ou les Pieds devant ! Ah! il ne se mettait pas en peine de régler son numéro, comme font aujourd'hui les artistes de music-hall et aussi certains chansonniers...

Selon les jours, selon l'heure, selon qu'il était joyeux ou mélancolique, a en forme ? ou fatigué, sa voix eclatait puissante comme le vent du large, ou rauque comme un trop lourd sanglot. La mesure, le rythme? Il s'en moquait bien! Les effets? II les obtenait sans les chercher, sans le faire exprès... Et une véritable ovation saluait le vieux barde quand il quittait l'estrade, épuisé, après s'etre donné à plein cœur. Gabriel Montoya n'était pas moins applaudi, mais pour d'autres raisons. Poète aimable et adroit chanteur, Montoya avait eu cette chance que connurent peu d'entre nous, de trouver sur son chemin des compositeurs de talent qui écrivaient sur ses poèmes de gracieuses mélodies que sa voix de ténor léger mettait en valeur, à la grande joie des jeunes femmes et des dames mÛres. La gr?ce un peu desuète des chansons de Montoya faisait un agréable contraste avec les couplets rosses et acidulés de ses camarades, et c'était un regal de l'entendre murmurer précieusement La Pastourelle Poitevine ou les strophes de La Voilette et de L'Eventail :

Comme une aile de papillon
Entre vos doigts posee,
L'éventail decrit un sillon
Tracé par la pensée.
De gauche à droite, il va suivant
Votre humeur vagabonde;
Il est votre portrait vivant,
Mobile comme l'onde !

Comment accueilleraient aujourd'hui les chansons de Montoya les gargonnes "à la page" et les vieilles dames qui ne veulent pas mÛrir ?... La femme moderne manie le volant plus aisément que l'éventail, et les lunettes de l'automobiliste ont remplacé, sur son nez, la voilette pudique que Montoya chantait si délicieusement!

En ce temps-la, le public des Noctambules était en grande partie compose de jeunes étudiants qui se souvenaient encore des beuglants de province et de petites femmes du Quartier qui,, oubliant qu'elles étaient du monde ou pour le moins du demi, depuis, qu'un blanc-bec les avait nippées, ne se tenaient pas toujours aussi correctement que nous l'eussions souhaite.

J'avais, à leur intention, écrit une petite chanson a la manière de Bruant, et je ne manquai pas de la leur servir quand elles n'étaient pas sages! J'annon çais : "Une chanson pour vous, mesda- mes : Leur Histoire.

Elle était laid' comma un' guenon;
Ell' s'appelait de son p'tit nom,
La môme Francille;
Ell' travaillait dans l'amidon,
Pendant qu' sa mèr' tirait l' cordon,
A la Bastille.

Francille, devenue Francillon,"perchait" tour à tour à la Villette où elle travaillait pour son homme, à Montparnasse où elle posait cbez un rapin, puis elle descendait un beau matin,

A la joie du Quartier Latin,
Sur le Boul' Niche,
Et désormais à s'habiller,
A s' poudrer, s' farder, s' maquiller,
S' voyant adroite,
S' sentant mÛr' pour d'autres amours,
Ell' passa, comme ell's pass'nt toujours,
Sur la riv' droite!

C'est la qu' s'arr?te ordinair'ment,
Ce qu'ell's peuv'nt trouver d'agrément
Dans le d'mi-monde.
Que'qu's-un's vieilles avant le temps,
Se laiss'nt filer a quarante ans,
Dans l'autre monde...

Y en a qui d'vienn'nt des femmes ties bien,
Q,u' occup't leur temps a fair' le bien,
Mais c'est ties rare!...
Y en a qui s' mett'nt dons un couvent... .
Mais ell's finiss'nt le plus souvent
A Saint-Lazare!

Ça jetait un froid, et le silence etait immédiatement rétabli. Un soir que je disais devant une salle attentive Les Vieilles Larmes, j'apercus dans une glace Numa Blès qui, derrière mon dos, s'amusait a faire mille singeries dans le but évident de faire s'esclaffer deux petites grues assises a ses côtés. Je m'arretai net.

- Ce n'est rien, expliqua Numa Blès; notre ami Millandy a... mal au cœur! .

Je ne dirai pas ce que je répondis... Je descendis de l'estrade. Je n'y suis pas remonté. C'est de cette brusque facon que j'ai quitté ce Cabaret des Noctambules que Martial Boyer avait, avec moi, ouvert aux chansonniers montmartrois. Quelques jours plus tard, je débutais au Conservatoire,de Montmartre. Pour plaire au public, je le savais maintenant, it fallait cabotiner; j'étais décidé à faire, mol aussi, le cabotin!

II.
Chansonnier montmartrois. - Le Conservatoire de Montmartre !

 

Le Conservatoire de Montmartre, sis boulevard Rochechouart, etait dirigé par un brave petit hon- homme du nom de Martin. L'etrange cabaret! Le décor en toile peinte qui représentait la grande salle d'une antique abbaye vous plongeait, des qu'on await franchi le seuil, dans la plus profonde tristesse... "Vous qui entrez ici, laissez toute espérance" , aurait dÛ ecrire au fronton de sa maison le petit père Martin. Les loges, faites de bois brut, etaient nconfortables autant que les stalles de chœur d'une chapelle monacale, et il y avait, au milieu de la salle, une longue table entourée de bancs, sur lesquels Ie public se gardait bien de s'asseoir, qui achevait de donner à cette salle froide comme un cloître un air d'abandon et de desolation...

La troupe etait composée de chansonniers de talent, mais dont le répertoire mélancolique n'était pas fait pour égayer les braves gens qui s'égaraient là. Je me souviens de certaine chanson, fort bien faite d'ailleurs, que Georges Oble disait d'une belle voix grave, qui vous donnait le frisson. Martin s'était bientôt apercu que le programme manquait de gaieté. Il avait compté sur moi pour dérider les clients... Brave Martin! Il me fit de la peine. Je lui promis de modifier mon répertoire et de devenir le plus rigolo des chansonniers. Eh! parbleu ! Martin avait raison : un Montmartrois devait ?tre un amuseur, et les bourgeois en vadrouille n'avaient que faire des ratiocinations des poètes. Le Tsar venait d'arriver A Paris. Belle occasion d'écrire d'amusants couplets!... Le lendemain, je chantais devant la salle en joie cette petite chanson qui me valut, pendant des mois, un facile succès.

Supportant mal l'inaction,
Tout comm' Napolei, tout comm' Napoléon,
S'emb?tant comme un croÛton,
Derriere t'Odei, derriere l'Odéon,
Le Tsar dit a la Tsarine
Mon Alexandrine,
J' fous l' camp, si c'est ton avis,
A Paris

La Tsarine dit : Comment donc
Oh! oui, allons-y, dis! ohl oui, allons-y donc
Donnons cett' satisfaction
A la populati, a la population.
La France aim' tant la Russie...
Par diplomatie!
Qu' la-bas on n' s'embet'ra as,
Nicolas

La-d'ssus, le Tsar folichon,
D' fair' son p'tit baluchi, d' faire son p'tii baluchon
Sans oublier d' mettre au fond,
Pigez-moi I'attenti, pigez-moi l'attention,
Quequ' chose pour Mam'zell' Lucie
- En cuir de Russie -
-Songeant tout bas : rca flatt'ra
Son papa

Voulez-vous qu' sur la question
J' vous donn' mon opini, j' vous donn' mon opinion?
Possibl' que pour la nation,
Ce voyage ait du bi, ce voyage ait du bon.
Mais pour nous, les pauv' poètes,
Qui somm's pas d' la f?te,
Ah ! mes enfants! entre nous,
C' qu'on s'en foutl..
.

Le mariage de Paul Deschanel devait, peu de temps après, me fournir le sujet d'une autre petite rosserie. Le jour qu'il avait convolé, le président de la Chambre avait, au mépris de l'étiquette, néglige d'endosser l'habit dit de cérémonie. Certains jour- naux, le lendemain, notaient, en s'étonnant, que M. Deschanel s'etait marié en jaquette. D'autres disaient en redingote.

Eh quoi! Pouvait-on ainsi manquer aux usages?... L'evenement prit, au fond de 1a province, couleur de scandale! Belle matiere a, facile plaisanterie.

J'eus vite fait de rimer la-dessus, tine innocente fantaisie que j'intittilai irreverencieusement : Si tu vois Popaul !

LE,POETE

Qu'on m'apporte de mes pipeaux
Le meilleur, et que j'accommode
Pour ce President a la mode,
Rimes neuves, rythmes nouveaux.

LES ADMIRATRICES
Ah !ma chère ! comme il dégote !
Il devait faire sa conqu?te!
Mais n'est-it pas en redingote?
Non, ma chère ! Il est en jaque!tte
!

UNE PETITE AMIE

Je voudrais le revoir encor!

UN TITI

Ah! mince! il en fait un' bobine!

UNE JEUNE FILLE

Monsieur, vous m'écrasez mon cor!

UN MINISTRE

Qu'est-ce qu'il fout donc, Méssieu Lépine

LES ADMIRATRICES

Ahl ma chere ! comme it dégote!
Mais montez donc sur la banquette!
N'est-ce pas qu'il est en redingote?
Non, ma chere, it est en jaquette!

UN DÉPUTÉ

Il fait un froid !...

UN AUTRE

Il fait un' faim !...

UN INVITÉ`

Une fin?.,,. Vous parlez du jeune homme?
Dites qu'il commence : on le nomme
(Bas, a l'oreille.) Le Dauphin !

LES ADMIRATRICES

Ahl ma chère, comme it dégote!
It s'en moque, de l'etiquette !
Je crois qu'il est en redingote.
Non, ma chère, it est en jaquette!

UN SÉNATEUR

Princesse, dans ce caboulot,
Nous verrons -très bien, je le jure!

LE GARÇON

Madame le prendra nature?

LA PRINCESSE

Moi, je le trouve un peu p?lot !...

LE POETE

Et je dus m'en aller, c'est b?te !
Sans avoir vu, de la gargote,
Sans avoir vu, de la gargote,
Si Popaul etait en jaquette,
Ou s'il etait en redingote.
..

Tout cela n'etait pas bien méchant; mais j'avais fait preuve de bonne volonté. Martin, reconnaissant, augmenta de quarante sous le montant de mon cachet. Décidement, pensai-je, j'ai trouve ma voie. Un soir que je venais de chanter avec quelque succes, je ne sais quelle sottise, j'apercus, dans une loge, Jules Mévisto en compagnie de Thérésa. J'allai, tout fier, lui serrer la main, et je lui rappelai que pen de temps apres mon arrivée à Paris, j'étais venu lui soumettre deux chansons qu'il avait bien voulu retenir. Un sourire crispa le visage de l'artiste : ? Je les ai toujours, me repondit-il. Elles sont précieusement enfermées dans mon livre d'or" Je crus qu'à son tour il ironisait. Avec ces Montmartrois, on ne sait jamais... "J'enferme dans mon livre d'or, m'expliqua Mévisto, les œuvres qui me plaisent le plus parmi celles qui me sont soumises celles que j'aime et que je ne chante jamais... non, jamais en public. - Vous devez me comprendre, maintenant que vous avez appris le métier - car vous voilà devenu tout a fait montmartrois! ? II ajouta : ? Et c'est dommage! Je devins pâle. J'avais compris. Et je me rappelai ce passage d'un article que j'avais publie dans Le Procope quelques mois auparavant : ? Aujourd'hui, Montmartre n'est plus qu'une foire aux multiples baraques où il est bien malaise de distinguer le Pier- rot talentueux parmi tant de pitres habiles... Tant de pitres! Qu'etais-je a present?... Je devais 1'ecrire sur une musique de H. Panella Je suis Pierot qui tient boutique De mille couplets a la fois Chansons d'amour, chansons tragiques, Chansons comiques quelque foisl Oui, quelquefois, sous sa grimace, Cachant mal son chagrin pro fond, Pauvre Pierrot se fait Paillasse... Je suis Pierrot, triste et bouffon! Maintenant je ne me sentais plus le courage de rester sur les treteaux. 11 me tardait de pouvoir quitter Montmartre pour revenir dans mon vieux Quartier of j'avais connu d'autres satisfactions et trouve d'autres sympathies.

Ah! ces voyages mélancoliques dans le dernier omnibus Place Pigalle-Halle aux Vins, et ces retours plus tristes, les soirs d'hiver, a pied, sons la pluie on la neige, pour ne pas écorner les deux pieces de cent sous que, généreusement, m'octroyait Martin!

Depuis, je n'ai jamais pu, sans sentir mon coeur se serrer, pénétrer dans un cabaret de Montmartre. Aussi, ne m'y voit-on pas souvent.

III.
La Bodinière. - Ma première conférence.

 

J'avais dit adieu au Cabaret, mais je n'avais pas pris l'engagement de ne plus paraître sur une scène, Je devais, en effet, chanter peu de temps après aux Vendredis chansonniers du Concert Parisien et de la Gaité-Montparnasse, où les Montmartrois prirent, pour la première fois, contact aver le grand public. Mais, décidement, it m'en coÛtait trop de jouer les demi-cabots... Je r?vais de m'essayer dans des exercices plus élégants et moins perilleux.

En ce temps-là se trouvait, rue Saint-Lazare, un petit thé?tre of fréquentaient tous les Parisiens qui se piquaient d'esprit et de littérature. Il avait été fondé par Bodinier, ex-Secrétaire général de la Comédie-Fran çaise, qui, frappé de la timidité que montraient, le soir de leurs débuts, les prix de Conservatoire, avait cru utile et intéressant de créer un thé?tre d'essai, un thé?tre d'application où les élèves des classes de comédie et de tragédie étaient invités a s'exercer devant le public. L'entreprise n'obtenait qu'un succès relatif, et Bo- dinier songeait a abandonner l'affaire, lorsqu'il cut l'idée d'organiser des matinées-conférences et de demander à des hommes de lettres, à des journalistes, voire a des comédiens, de venir, entre trois et six* exposer leurs idées sur des questions d'art et de littèrature. Le succès fut immédiat, étonnant; on dit,aujourd'hui, formidable!

Du jour au lendemain, le Thé?tre d'application devenu La Bodinière, fut le coin le plus parisien de Paris. Le public le plus élégant et le plus averti s'y pressa pour entendre Jules Lemaitre, Francisque Sarcey, Ferdinand Brunetière, Louis Ganderax, Larroumet, Paul Desjardins, Rene Doumic, I'abbe Victor Charbonnel, Adolphe Brisson, Georges Vanor, Hugues Le Roux, Paul Margueritte, Anatole France, Robert de Montesquiou, Clovis Hugues, Leo Claretie, Coquelin Cadet, etc., mais le conférencier le plus applaudi, celui qui faisait recette, était Maurice Lefèbvre, qui avait imaginé la causerie avec auditions. Sans doute, est-ce en pensant a Maurice Lefèbvre et a Mily-Meyer, que Jacques Ferny écrivit, un jour, sa malicieuse chanson : La chanteuse et le conférencier.

De nombreux artistes pr?taient leur concours aux matinées de la Bodinière. J'y ai applaudi Mme Amel, de la Comédie-Fran çaise, Anna Judic, Felicia Mallet, Balthy, Tarride, Mounet-Sully, Galipaux, Villé et Félix Mayol, que MM. les critiques ne devaient découvrir que beaucoup plus tard.

Dans le Monde moderne, de mai 1897, M. Mario Bertaux a tracé de vivants portraits des orateurs de la rue Saint-Lazare, et il nous a laissé une curieuse et exacte peinture de la jolie petite salle qui fut le premier thé?tricule de Paris.

"Le succès de la Bodinière, écrit Mario Bertaux, tient peut-titre a son exigu?té. On y est les uns contre les autres; on s'y apercoit tout de suite; on y cause, on y jabote; un courant de sympathie s'établit avant le lever du rideau : c'est un salon.

"Les jours de grande première, les jours sensationnels, le coup d'œil est unique. Une foule brillante, pailletée, une vraie foule de vernissage ou de réception générale, emplit la grande galerie; c'est une élégante et spirituelle m?lée de mondains, de gens de lettres, de journalistes, d'artistes. De très grandes dames y passent imposantes, emmitouflées de fourrures; d'autres, plus degagées, s'y confrontent avec les petites femmes impressionnistes, violettes et jaunes, de 1'exposition en tours; les fillettes du Conservatoire y sont saluées par leurs camarades imberbes qui luttent de galanterie cérémonieuse avec les beaux du second empire, leurs concurrents naturels. La couleur pourpre des tentures, le vert des palmiers, la blancheur des statues s'enlèvent au-dessus de ce grouillement, et, dons un coin, un lot de provinciaux dont le Figaro, le Journal, voire meme le Temps, entre deux articles graves, ont eveille la curiosite, regarde, ahuri

J'entrai un jour, pousse par la curiosité, dans le hall de la Bodinière et j'errais mélancoliquement dans la galerie déserte à cette heure, lorsque je per çus, venant,de la salle haute oil se trouvait le thé?tre, des chants et des applaudissements. Je m'informai auprès d'un contrôleur.

"Aujourd'hui, me dit celui-ci, M. Lefebvre fait une conférence sur les Chansons en crinoline, avec le contours de Mlle Mily-Meyer. La matinée vient de commencer. Voulez-vous y assister?

En ce temps béni, les spectacles, m?me les plus rares, ne coÛtaient pas cher. J'entrai. La salle etait pleine à craquer et je dus rester debout.

Sur la scène, superbe en son habit noir qu'égayait un blanc gardenia, la barbe imposante et le geste arrondi, Maurice Lefebvre officiait. J'observai que ses plus anodines plaisanteries, que ses moindres traits étaient soulignés de déférents bravos. II m'apparut tout de suite qu'il était plus facile de faire une conférence que de dire une chanson. L'entreprise me sembla moins malaisée encore, quand je vis quelle aide précieuse apportait an con férencier l'amusante artiste dont M. Lefebvre se contentait de souligner les "effets". Un dessein, sur l'heure, germa dans mon esprit. ? Le voilà, me dis-je, le moyen de garder le contact avec le public, sans se ravaler au rang des pitres vulgaires !

Le rideau s'etait relevé sur trois rappels, et chacun s'en allait murmurant : charmant! délicleux! ravissant!... Ma décision était prise : j'irais voir le directeur et je lui offrirais mes services.

A vrai dire je ne savais pas quel sujet je pourrais traiter; mais cela n'était pas pour m'em- barrasser. Voyons d'abord le patron, pensai-je. Il y avait, an bout de la galerie d'exposition, un pe- tit escalier qui conduisait au bureau de Bodinier. Je m'armai de courage. Je gra- vis les vingt marches, et je frappai a la porte de la Direction...

Bodinier était un brave homme. Mon trouble ne lui echappa point; mais it feignit de no pas s'en apercevoir. Pourtant, it ne put s'emp?cher d'exprimer son inquiétude : " Vous ?tes bien jeune, me dit-il, Otes-vows stir que vows n'aurez pas Ie trac?

Je promis de m'en tirer à mon honneur.

"Je ne puis vous donner une date, affirma Bodinier, mon programme est d'ores et deja arreté pour la saison; mail il peut arriver qu'un de mes conférenciers, subitement malade ou empeché à la dernière minute, me fasse faux bond. Pourriez-vous, Dans ce cas, le remplacer an pied levé? " J'avais alors toutes les audaces ; je pris L'engagement d'?tre pr?t au jour dit.

L'occasion se présenta quinze jours plus tard. Je n'avais pas pensé que le hasard pourrait me servir avec tant d'empressement et je n'avais encore rien préparé quand, un beau matin, je recus de Bodinier tin petit bleu qui disait : ? Compte sur vous pour une conférence après-demain, trois heures, en remplacement de Vanor. Prière répondre télégraphiquement."

Je ne pouvais songer à me dérober. En une journée, it fallait faire choix d'un sujet,' griffonner ma causerie, la recopier sur une belle feuille blanche, e i apprendre par cœur les premières phrases et les dernières, ainsi que le faisaient, - je l'avais remarqué, - les meilleurs conférenciers.

Un heureux hasard amena ce matin-là, chez moi, mon ami Louis Hébert, un jeune chansonnier du Procope, qui, de temps en temps, venait me voir A l'heure du déjeuner. ? Mon vieux, lui dis-je, it faul me rendre un grand service. Asseyez-vous Ià. Je vais vous dicter ma conference; je la recopierai cet après-midi, et je l'apprendrai ce soir avant de me mettre au lit. ? J'avais trouvé le titre et le sujet La chanson d'art. J'appelais chansonnier d'art les chansonniers-poètes, ceux qui, comme Rollinat, écrivaient les paroles et la musique de leurs œuvres, et qui seuls me semblaient mériter ce nom de chanson- nier que l'on donne aujourd'hui au premier coupletier venu. Hébert se chargea de faire les démarches indispensables auprès des artistes, et it fut assez heureux pour m'assurer le concours de quelques camarades que j'avais connus au Procope : Mmes Eveline Janney, Marthe Rigaldi, les chansonniers Georges Oble, Gaston Perducet et le compositeur Louis Dodement, qui avait accepté le rôle ingrat d'accompagnateur.

Le lendemain, sanglé dans mon habit, la boutonnière fleurie d'un gardenia magnifque, je faisais mon entrée sur la scène de la Bodinière. Dieu ! que le chemin me parut long de la coulisse a la petite table oh m'attendait le verre d'eau traditionnel!... Après m'?tre trois fois incliné devant le public, comme je l'avais vu faire à Maurice Lefebvre, je prononcai, en articulant de mon mieux : Mesdames, Messieurs.

Je mentirais si j'affirmais que ma voix ne trem- blait pas. Au vrai, comme s'expriment les conférenciers qui se piquent d'élégance, je fus saisi d'un trac fou en entendant ma voix tomber dans le silence et en lui decouvrant un timbre que je ne connaissais pas... Pourtant je me ressaisis et j'arrivai tant bien que mal a la fin de mon exorde; puis j'annoncai 1'entrée du premier artiste. On applaudit. J'etais sauve !

"Ouf ! me dit Bodinier quand le rideau fut tombé, j'ai eu bien peur! mais ça a très bien marché. Quand recommencons-nous I'expérience? Maintenant, je puis bien vous le dire, ajouta-t-il en riant, j'ai plu- sieurs dates libres. Deux jours après, j'apportais à mon directeur le titre de ma nouvelle conférence : Les Chansonniers aphones.

IV
Une visite a Rollinat.

 

J'etais a peine remis de l'émotion qu'un cliché dit ? inséparable d'un premier début ? , lorsque je recus une lettre de Maurice Rollinat... En termes char- mants, il me remerciais d'avoir parlé de son œuvre et me priait de le venir voir rue Lamartine, où il avait trouvé un petit logement. Je savais que le poète s'était retiré dans la Creuse, a Fresselines, et je m'étonnai qu'il ait pu se décider a revenir dans ce Paris où une "canaille littéraire", comme it disait, l'avait si durement traité.

Je me rendis le lendemain a l'adresse indiquée. L'immeuble dans lequel Rollinat avait élu domicile était une vieille maison noire et sordide. L'escalier était sombre et humide. Je pénétrai dans une pièce froide et quasi nue. Un lit de fer, une petite table et quelques chaises composaient tout l'ameublement. Le poète s'excusa de me recevoir dans un appartement vide et m'apprit qu'il avait brusquement quitté sa retraite, sur les instances de ses amis de Paris qui voulaient organiser, au thé?tre de I'Athenée, une grande soirée of devaient ?tre dits ses poèmes et chantées ses chansons.

Rollinat était nerveux, inquiet : it craignait que le mal dont it souffrait s'aggravat dans ce Paris malsain; et puis, it redoutait surtout l'accueil des confrères dont it n'avait pas oublié la cruauté. ? Poète et musicien, me dit-il, je devais ?tre renié, vous le savez, par les musiciens et par les poètes! J'ai entendu votre conference. Vous, mon ami, vous rn'avez compris. Je veux que vous présentiez mes chansons a l'Athenée. Mais it faudrait que nous causions, que nous causions longuement... De nouveau le découragement l'envahissait.

Ah ! ce Paris! murmura-t-il, tandis que par la fen?tre it jetait sur la rue un regard méfiant. A la Bodinière, c'était très bien : il y avait la un public attentif, compréhensif; mais dans un grand thé?tre... croyez-vous qu'ils écouteront, qu'ils compren- dront ? Il allait de la fen?tre à la porte, nerveusement. J'ai déja eu de telles désillusions, me confia- t-il. Quand parut mon volume La Nature, quelques amis decidèrent de f?ter l'évènement en organisant une matinée à mon bénéfice. On fit appel aux artis- tes les plus réputés. Eh bien, ce fut navrant, grotesque!... Lisez le livre d'Emile Vinchon, vous y trouverez les comptes rendus de cette manifestation, je devrais dire de cette mascarade !

"L'article de Sarcey est assez terne.Il n'avait voulu mécon- tenter personne; mais Lucien Descaves, avec son ordinaire fran- chise, ne s'est pas g?né pour dire la négligence et la muflerie des interprètes. Oui, des interprètes. Oui, la muflerie! Mounet- Sally fut particulière- ment ridicule. Descaves l'a écrit : quand il lÛt en ?nonnant mon Meneur de Loups, il avait l'air de mener des chèvres!..." Ah! les ar- tistes!...

J'essayai de le calmer, de luii donner confiance. Je Jul rappelai la soirée triomphale chez Sarah Bernhardt, où it s'était imposé a l'attention de la critique, et je luil promis de m'assurer le concours d'in- terprètes intelligents et consciencieux,

Ma sincérité parut le toucher et le rassurer un peu : ? Je dois rencontrer demain les organisa-teurs, me dit-il en me reconduisant dès que la date de la soirée sera arretée, je vous demanderai un rendez-vous. ? Helas! le lendemain, je recevais un mot désolé dans lequel Rollinat me faisait savoir que le Comité avait choisi comme conférencier Maurice Lefebvre qui - je l'ai dit - était alors le speaker a la mode... Je ne m'étonnai point de ce choix, mais j'eus beaucoup de chagrin! Je ne me doutais pas que, vingt-

cinq ans plus tard, je serais appelé à parler en public du grand poète qui fut mon maître et qui avait bien voulu se dire mon ami.

En février 1931, Mme Denise Séverin-Marts décida de donner sur la scène du thé?tre de Neuilly, avec l'aide de Fernand Bastide qui sert les poètes de tout son talent et de toute sa foi, une soirée exception- nellement brillante. Mon éminent confrère Georges d'Esparbès avait été chargé de présenter, au cours d'une causerie, les mélodies et les poèmes que Mme Séverin-Mars et M. F. Bastide devaient interpréter. L'avant-veille de la soirée, M. G. d'Esparbès se trouva brusquement souffrant, et les organisateurs étaient fort embarrassés, lorsque Mme Séverin-Mars, que j'ai l'honneur de compter parmi mes interprètes, se souvint que je lui avais un jour parlé de ma visite à Rollinat, et l'idée lui vint de me demander de remplacer le conférencier qu'elle avait choisi. Le désir de tirer d'embarras la charmante artiste et la joie de rendre hommage a un poète que j'aime entre tous me decidèrent à accepter. Je rassemblai en h?te mes souvenirs, je griffonnai quelques notes, et le lendemain, avec toute la ferveur d'un disciple, j'évoquai devant le nombreux public qui remplissait l'elegant petit thé?tre la belle figure du poète qui m'avait honoré de son amitié. La soirée fut un gros succès. Les ? Amis de Rollinat ? firent a ses interprètes une véritable ovation.

V.
Les chansonniers aphones. - Une conférence au Cabaret

 

Je ne suis pas né orateur : je veux dire que je n'ai pas, quand je parle en public, ce dedain de la forme et ce mepris du mot exact qui permettent cette facilité d'eélocution que l'on appelle l'eloquence.

Pourtant, c'est à mes exercices oratoires que je dois mes vrais succès de cabotin.

Je n'ai pas l'innocente manie de conserver. cotlées sur les feuilles d'un album, les notes élogieuses dont d'indulgents critiques veulent bien me gratifier. J'ai gardé toutefois, à titre de curiosité, deux articles parus sous la signature de M. John Macdonald, l'un dans Saturday Review, l'autre dans Free Lance, et où it est dit sans ambages que je suis Parisien à ce point que l'on ne saurait m'imaginer vivant hors Paris.

Cette déclaration dut, jadis, flatter mon amour- propre de Vendéen déraciné et c'est pourquoi, sans doute, j'ai gardé les deux magazines... Lisez, je vous prie, ces lignes qui terminent un des importants ? papiers ' de M. G. Macdonald, et reconnaissez qu'il faut avoir quelque vertu, quand on a vingt- cinq ans, pour recevoir sans broncher un pareil coup d'encensoir : "Georges Millandy is the Bodiniere's dearest ornament... Georges Millandy is the "maitre" of melancholy. He appears : he sighs : he passes - herein lies the secret of his success.

Et pourquoi cacherais-je les petites satisfactions que je connus à cette époque? Je me souviens, je l'avoue, avec un particulier plaisir, du succès de la conférence sur les "Chansons pour orgues de Barbarie" que je fis d'abord à la Bodinière, avec le contours de Mercadier et de Mlle Aussourd, et que je répétai vingt ans plus tard dans la salle du journal Comœdia avec, cette fois, l'aide d'un vieux Limonaire qui, dans la coulisse, pleurnichait délicieusement. Surtout, je bénis le ciel de m'avoir un jour suggéré l'idée de parler des ? chansonniers aphones ?, c'est-à-dire de ces auteurs paroliers et compositeurs qui ne peuvent ou ne veulent monter sur les tréteaux, et que je devais, plus tard, defen- dre plus efficacement en fondant cette Association syndicale des Auteurs lyriques, dont j'ai l'honneur d'etre aujourd'hui le président.

Depuis Ie temps déjà lointain ou j'opérais a la Bodinière, j'ai " conférencié" un peu partout et defendu de mon mieux, devant les auditoires les plus différents, la chanson saine et correctement écrite. J'ai parlé de 1'œuvre des chansonniers-poètes au thé?tre Pompadour, devant le public léger du boulevard; j'ai fait le procès de la chanson nègre au Club du Faubourg, au temps on le jazz était roi, et j'ai plaide la cause de la romance a l'Université populaire de Saint-Denis, au moment où lleurissait la chanson apache. N'ai-je pas poussé la témérité jusqu'a chanter moi-m?me ma conférence, au lieu de la parler... ce qui, de la part d'un chansonnier reputé aphone, était aussi imprudent que courageux? Mais le jour où je fis preuve de la plus grande audace fut sans doute celui où j'entrepris de parler sur la chanson d'art au Cabaret des Noctambules, devant le public spécial du Quartier Latin."

Une conférence, me dit Martial Boyer, une conference :dans un cabaret, et sur la chanson d'art? C'est folie pure, et vous raillez, je pense!" Je no jurerais pas qu'il s'exprima exactement ainsi; mais c'est a peu pros cc qu'il me repondit. Apres réflexion, pourtant, le jeune directeur, qui ne manquait - il l'a montré depuis ni d'intelligence, ni detémérité, accepta de mettre sa salle à ma disposition, à la condition que je trouverais Ie moyen de m'assurer le concours de chansonniers d'un réel talent. Je promis, et je tins parole.

J'ai conservé le programme de cette soirée mémorable qui réunissait les noms de Marcel Legay, Léon Durocher, André Escourrou, Louis Dodement, Camille Manceau (Manescau), Jacques Duchange, Théodore Botrel, Xavier Privas, Alcib. Mario, Jules Mévisto, et de Mmes Laurence Deschamps, Violette Dechaume et Marthe Rigaldi. Pendant deux heures, debout sur la petite estrade, sans manuscrit, sans notes, avec, sur le coin du piano, en guise de verre d'eau, un demi de bière que le gar çon remplacait de temps en temps, j'ai fustigé les faux chansonniers et chanté le lot des autres qui venaient à tour de rôle dire, sur le tremplin, leurs meilleurs couplets. On refusa du monde ce soir-là aux Noctambules et ce fut, je crois, la première soirée de gala donnée dans le célèbre cabaret qui, depuis, en a vu bien d'autres!...

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